dimanche 1 novembre 2009

ITW par la Fondation Verbeke





Polar expeditions
12.12.2009 – 15.05.2010
Questions aux artistes


1. De quelle manière est né votre intérêt pour les pôles (fascination ancienne, lecture, rencontre, documentaire)?

M’intéressant depuis plus d’une décennie (depuis les début du world wild web) aux conséquences de la globalisation hyper-médiatique sur les statuts des territoires extrêmes dans l’inconscient collectif...
J’ai dès 2005 pensé à produire des projets questionnant les extrêmes de notre planète:
- Au Palais de Tokyo site de création contemporaine à Paris, j’ai essayer d’établir un lien culturel entre une communauté jivaros au plus profond de l’Amazonie, nommée Shiwiars et vivant sur la ligne d’Equateur en Equateur à la frontière du Pérou qui avaient manifesté le désir d’établir un contact avec le monde en se médiatisant sur internet. Ce fût le projet “The shiwiars project” qui a posé un regard au delà de l’Occident...
- En guise d’archives du projet, un blog fût conçu tout au long de sa vie : http://theshiwiarsproject.blogspot.com
Ainsi, il me restait à concevoir un projet sur un des Pôles de notre planète:
L’opportunité me fût offerte par un appel à résidence dans une des bases polaires de l’Institut Polaire Paul Emile Victor (IPEV) pendant un mois, soit en Antarctique ou en Arctique.
Cet appel avait été organisé dans le cadre de l’Année internationale polaire (Mars 2007 – Mars 2008) et organisée par l’Ipev, le Palais de Tokyo, Arts aux Pôles et Le Plateau (FRAC île de France). J’ai choisi le Pôle Nord et plus précisément la base de Rabot à Ny Alesund au Spitzberg car elle est chargée d’une histoire riche (comme le départ d’Amundsen en Zeppelin de Ny Alesund) et le grand nombre de nations présentes dans cette communauté scientifique.
D’autre part, si l’Amazonie représentait l’au delà de l’Occident, Ny Alesund représente l’Hyper – Occident, du fait des enjeux stratégiques, énergétiques, économiques, et politiques qui y sont présents...
Ny Alesund se trouve au 79° N 12° E soit à 1 ° du 80° Nord représentant la zone du Pôle Nord (de 80 N à 90 N)
Ainsi ce projet constituait la suite logique de mon projet amazonien, formant ainsi, dans mon travail, une sorte de diptyque courant sur 5 années...
Tout au long de ce projet comme pour le projet amazonien, une archive en ligne fût publiée avec la création d’un blog déroulant toutes les phases du projet tout au long de sa chronologie:
http://www.ny-alesund-pole0.org

2. Combien de voyages avez-vous effectué vers les pôles ?

Etant basé pendant un mois à la Base Rabot de Ny Alesund, cela représente un seul séjour comportant de nombreuses expéditions vers le 80 ° Nord, à des fins de repérage pour la production et le tournage de mon installation “Geopol”.

3. Quand les avez-vous effectués?

Le séjour a eu lieu en Mai 2007

4. Combien de temps y êtes vous resté ?

1 mois

5. Êtes vous parti seul, en groupe ? Pour quelle raison ?

Seul, je faisais néanmoins partie de la campagne d’été des scientifiques

6. Quels sentiments avez-vous ressentis lors de votre (vos) voyage(s) ?

Le mieux est de reprendre un texte écris sur le vif là bas et publié sur mon blog, cela illustre parfaitement les sentiments et impressions qui me traversaient:

“Déambulations

Dans les villes, les déambulations sans destination débouchent sur des épiphanies très joyciennes non dénuées d'esthétique, de poésie. Mais qu'en est il d'une déambulation polaire ?
Cela devient totalement surréaliste, car déambuler nécessite un laisser aller, et un calme intérieur. Mais est ce possible avec un fusil en écharpe, et des balles de 306 dans sa poche ?
Cette croix de l'enfer finit par se faire oublier... Mais tout commence, quand, après des heures de marche sur les rives d’un fjord, on s'assoit sur un bois flottant échoué en laissant l'eau laisser lécher le bout de ses chaussures. C'était à Bandalpyten. Le fusil posé sur le côté, l'horizon mène le ballet:
Des rideaux de plomb s'affrontent sous des nuages très bas avec des rideaux de lumières très blanches déclinant des nuances de pourpre et d'azur. L'eau est lisse comme une feuille d'acier, pas un flot. Des scarifications noires des îles alentours apparaissent sur des nappes blanches (les rives opposées) et s'évanouissent dans le blanc du ciel.
Puis une virgule noire caresse la surface de l'eau, un souffle profond fend le silence, puis cette chose s'approche de la rive et mène un ballet circulaire à dix mètres de vous. Des eiders volent au raz de l'eau, font des cercles au dessus de ce petit orqual et le temps s'étire... sur 20 bonnes minutes qui en paraissent dix...

On rêve, puis en se levant, on réalise que si l'on verbalise cette expérience, cela devient un cliché digne du 'lonely planet'....
Tout a déjà été vu et vécu, et cette contemplation unique ne peut plus être partagée, mais vécue égoïstement avec un sourire désabusé...”

7. Quels défis avez-vous du relever au cours de votre (vos) voyage(s) ?

Ce voyage ne représentait pour moi, nullement un défi, je ne voulais pas retomber dans les clichés des récits des expéditions héroïques, mais le gérer comme un voyage vers l’extrême un peu comme celui d’Ulysse de Homère...
Mais la nature de ce voyage nous impose des défis, d’ordre physique, mentaux, alors il s’agissait pour moi de définir une écologie du travail artistique dans un tel contexte...

8. Comptez-vous effectuer d’autres voyages ?

Si l’occasion m’est offerte, très certainement

9. Aviez-vous défini par avance la nature de votre projet artistique ?

En effet, un gros travail de recherche et de documentation a été fait en amont. L’installation “Geopol” avait été pensée et conçue avant le départ, avec un plan de tournage ect... ect...
Mais d’autres pièces ont été produite sur place de façon non planifiée et “opportuniste” (si je peux utiliser ce terme), et d’autres après mon retour...

10. De quelle manière votre projet a t’il été modifié par les conditions de sa réalisation ?

Mon projet pensé en amont, du fait du gros travail de préparation, n’a pas du tout été modifié, tout s’est déroulé comme prévu...
Il s’agissait presque d’un travail scientifique de prélèvement avec une méthode et une planification...
Ici il s’agissait de prélever un plan séquence de 24H00 en 360 °...
En fait j’ai utilisée une méthodologie scientifique sur un projet purement artistique

11. Avez-vous eu sur place des contacts avec des scientifiques ? De quelle manière cette rencontre a-t-elle influencé votre travail ?

Comme les contacts entre les scientifiques n’influencent pas leurs travaux propres pour lesquels ils sont envoyés là bas (des équipes les attendent dans leur université à leur retour pour continuer leurs recherches)... Je dirai que la même chose s’est produite pour moi.
Je vivais avec les scientifiques, nous avons eu des échanges sur la nature de nos travaux, et ils ont fait preuve d’une grande lucidité et compréhension en m’indiquant des lieux susceptibles de m’intéresser et me stimuler.

D’autre part, je dois avouer, que certains échanges ont été à l’origine de la production de nouvelles pièces comme la vidéo “Where is our mind ?”, et c’était souvent le cas pour les travaux dit “opportunistes” produits sur place

12. Existe t’il pour vous une forme d’urgence à effectuer un travail sur les pôles ?

Je ne pense pas que le caractère d’urgence doit se poser en Art. Les médias, Nicolas Hulot et d’autres comme Al Gore font très bien ce travail.
Il ne s’agit pas de tomber dans une sorte de “réalisme écologique” comme il y a eu un “réalisme socialiste” en Art. Dans ce cas ce n’est plus un travail mais une propagande...
Je pense que le rôle d’un artiste est d’actualiser le regard sur le monde...
Et le regard sur les Pôles est en train de changer


13. Possédez-vous une documentation spécifique de votre voyage ?

Oui tout à fait, constituée tout au long de mon travail de recherche et de documentation en amont de mon voyage, et aussi le blog rédigé tout au long du projet mentionné dans les lignes qui précédent...

14. De quelle manière utilisez-vous cette documentation pour produire de nouvelles œuvres ?

J’utilise cette documentation non pas pour produire des oeuvres, mais pour actualiser mon regard, afin d’être le plus lucide possible. Puis des évidences apparaissent, ainsi que des questions, et là le travail commence.

15. Considérez-vous qu’il existe une esthétique des pôles ?

Honnêtement, je ne sais pas, car je ne me suis jamais intéressé comme on peut le comprendre dans ces lignes aux questions purement esthétiques de ces territoires... si ce n’est pour dire que de telles considérations tombent dans des clichés du type “lonely planet”.
Je parlerai plutôt de situation géo-politique, économiques, sociales, écologiques et bien d’autres encore...

16. Quel lien existe-t-il à vos yeux entre les territoires que vous avez découverts et leur propriété ou non propriété par des états nations?

Je pense que d’une certaine manière c’est ce qui définit une forme d’Hyper-Occident, où les frontières et territoires nations disparaissent au profit de simples enjeux internationaux...

17. Comment situez-vous votre travail vis-à-vis à de celui d’autres artistes concernés par les pôles ?

Je pense avoir mon propre axe de travail, qui se différencie de bon nombres d’artistes, qui soit ré-active une forme de récit héroïque (Tixador) ou fictionnel (Huygues).
En fait j’essaye de définir une écologie du travail artistique qui serait propre à mon époque avec les médias disponibles:
- Le travail, sa médiation, son exposition...