mardi 17 avril 2007
La banquise arctique plus fragile que l'on ne le croit !
Banquise arctique au voisinage du pôle nord (image NASA). L’image, faisant plus de 600 km de côté, révèle un réseau de gigantesques fractures. Les formes irrégulières en bas à droite sont des nuages.
[1] Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement, CNRS-Université Joseph Fourier de Grenoble
A partir d’observations de surface et de données satellite, des chercheurs français et américains remettent en question le comportement mécanique de la banquise. Usuellement considérée par les modélisateurs comme un fluide visqueux, elle montre tout au contraire un comportement de solide fragile, selon cette nouvelle étude.
La banquise et la façon dont elle se déforme sous l’effet des vents et des courants marins ont fait l’objet d’une attention soutenue de la part des modélisateurs du climat. En effet cette très fine pellicule de glace (quelques mètres d’épaisseur au maximum) se formant à la surface des océans en Arctique et en Antarctique, joue un rôle fondamental dans le climat de la Terre. En réfléchissant une très grande part de l’énergie solaire incidente et en jouant le rôle d’isolant thermique, la banquise contrôle fortement les échanges d’énergie entre l’océan et l’atmosphère en région polaire. Depuis le début des observations satellitaires il y a environ 30 ans, la superficie de la banquise arctique a chuté de plus de 20% en été. Cette diminution, vraisemblablement due au réchauffement climatique, pourrait elle-même renforcer le réchauffement en permettant à l’océan d’absorber une plus grande part de l’énergie solaire.
Dans tous les modèles climatiques actuels, la banquise est considérée comme une couche « fluide » visqueuse. Ceci peut paraître bien surprenant au regard de l’explorateur polaire ou du scientifique de terrain marchant sur une plaque solide parsemée de fractures. Mais les modélisateurs postulent qu’aux grandes échelles de temps (au-delà de quelques jours) et d’espace (au-delà de 10 km), la banquise se comporte effectivement comme un fluide visqueux.
Des chercheurs du LGGE [1], en collaboration avec des Américains de Dartmouth College et de l’Université de Washington, ont analysé des données de contraintes mesurées directement sur la banquise. Ils ont combiné ces mesures à des observations satellite permettant d’observer la déformation de la banquise. Leur étude, qui vient tout juste d’être publiée dans la revue Earth and Planetary Science Letters, démontre que l’approximation des modélisateurs n’est pas correcte. Même aux grandes échelles de temps et d’espace, la banquise ne s’écoule pas comme un fluide visqueux. Elle se comporte comme une plaque fragile parsemée de fractures de toutes tailles, depuis l’échelle du mètre jusqu’à de gigantesques failles parcourant une bonne part du bassin arctique, un peu à l’image des failles de la croûte terrestre. La déformation de la glace se localise fortement au niveau de ces failles, au cours d’épisodes brefs et intenses. Cette découverte nécessiterait de reconsidérer la manière dont la banquise est appréhendée dans les modèles climatiques. Toutefois, introduire les lois mécaniques de la fracturation dans ces modèles ne sera pas une tâche facile pour des raisons de résolution numérique.
Référence : Weiss, J., Schulson, E.M., Stern, H.L. (2007), Sea ice rheology from in-situ, satellite and laboratory observations: Fracture and friction, Earth and Planetary Science Letters, 255, 1-8.
source: http://www.anneepolaire.fr
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